
Thierry MYCHNO – Directeur d’exploitation
Thierry Mychno, Directeur d’exploitation chez Sodexo nous parle de son quotidien dans le secteur de la restauration collective et de la manière dont il arrive à « faire maigrir ses poubelles ».
Combien confectionnez-vous de repas par jour ? Combien d’établissements scolaires livrez-vous ?
Sur le périmètre du Grand Langres et du Sacré Coeur nous produisons 2400 repas par jour. Nous produisons sur place depuis 30 ans dans 2 établissements pour les élèves de maternelle, primaire, collège et lycée. 9 autres restaurants sont livrés dans le Grand Langres avec une douzaine d’autres clients, ce qui fait un total de 24 points de livraison.
Quelles sont vos actions pour lutter contre le gaspillage alimentaire et/ou atteindre les objectifs fixés par le Grand Langres / la loi ?
Lutter contre le gaspillage alimentaire, c’est apprendre un nouveau métier pour toujours faire mieux. On a toujours fait attention aux préparations, mais cela nous oblige à être encore plus vigilants.
L’enjeu pour nous est de bien évaluer le gaspillage sur le lieu de production et au moment de la consommation. Pour cela nous mettons en place différentes actions qui touchent différents secteurs du circuit de production.
Tout d’abord nous adaptons notre production. En effet d’un point de vue législatif, nous devons appliquer des grammages bien précis et des fréquences particulières pour respecter l’équilibre alimentaire.
Par exemple, une crudité doit être servie dans des portions de 70 gr. Nous faisons des pesées pour limiter le gaspillage au profit de la qualité des produits. Acheter mieux et en quantité suffisante permet de favoriser l’achat de produits plus qualitatifs et/ou locaux.
Le deuxième axe consiste à former les équipes aux nouveaux processus de fabrication. Nous pratiquons par exemple la cuisson basse température pour les viandes pour limiter les pertes. Grâce à cette technique nous sommes passés de 30% de pertes liées à la cuisson à 12%. Je vous laisse imaginer l’impact sur 1500 repas.
Nos équipes sont également formées à la gestion des déchets et au tri.
Avant, on avait une seule poubelle. Désormais, les déchets organiques sont mis dans des bacs différents : épluchures, fruits perdus. Cela permet une meilleure valorisation des restes alimentaires.
Aussi, la formation ne s’arrête pas à la production. Nous formons tous les secteurs : les magasiniers, la production en passant par le personnel de service. Cela permet une cohésion des équipes autour du problème du gaspillage alimentaire.
Nous devons également être vigilants sur l’utilisation des ressources. Nous nous efforçons de limiter le gaspillage de l’eau et optimiser l’utilisation de l’électricité, des éclairages, etc …
Notre objectif premier étant de faire maigrir nos poubelles. Nous pesons les restes et en essayant de les faire réduire quotidiennement. Nos poubelles sont également composées des CAJ (Conditionnements Ajoutés) comme par exemple les serviettes en papier. Nous avons fait le choix de retirer les serviettes épaisses avec deux plis car les convives vont en prendre 3,4, peu importe l’épaisseur de celle-ci. Elles ont été remplacées par des serviettes recyclées, plus fines qui se décomposent plus rapidement.
C’est ainsi que nous obtenons le chiffre de 90 gr de restes sur 400 gr de repas. Notre objectif étant de réduire ce chiffre de 50%.
Enfin, dans un contexte où les structures scolaires ferment du jour au lendemain dû au COVID, nous donnons beaucoup aux banques alimentaires et aux Restos du Cœur pour ne pas engendrer de gaspillage alimentaire. Nous participons également au mouvement Too Good To Go sur la ville de Troyes. Cette application permet de vendre à un prix minime des denrées périssables. C’est ainsi que nous avons sauvé 800 repas de la poubelle en 1 mois. Cette action nous a sensibilisés et représente un indicateur car on ne se rendait pas compte de ce qui était jeté auparavant.
En quoi consiste votre partenariat avec ABCDE ?
Travailler avec ABCDE, c’est un package indispensable.
On ne pourra pas avoir 0 déchet. C’est pour cela que la société ABCDE est utile pour aller au bout de la démarche pour valoriser cette matière organique restante et nous aider à sensibiliser les jeunes dans les cantines.
Si vous aviez une pratique à partager au plus grand nombre pour lutter contre le gaspillage alimentaire quelle serait elle ?
Pour moi, la première chose, c’est de peser au réel. Ce n’est pas la chose la plus simple à mettre en place mais c’est la plus efficiente pour se donner une idée des objectifs à atteindre.
Enfin, de manière plus philosophique, j’aime à croire que lutter contre le gaspillage alimentaire ne se résume pas à une pratique, mais bien à du savoir-être. C’est dans cette optique que notre gestion des approvisionnements est pensée pour faire profiter tout le monde : les jeunes dans les cantines et les producteurs locaux. C’est essentiel de faire vivre nos agriculteurs et nos éleveurs.